Les vins biologiques
L’époque où les vins bio étaient vus comme de petits vins élaborés par des marginaux illuminés est bien révolue. Il est maintenant indéniable que, parmi les meilleurs vins, on trouve de plus en plus de vins issus de vignes cultivées en bio ou en biodynamie.
L’important en la matière est de ne pas avoir d’œillères : il est aujourd'hui tout aussi irrationnel de dire « les vins bios, ce ne sont que de petits vins pas très bons » que de dire « les vins bios sont forcément meilleurs parce que c’est naturel ». Plus que jamais, le critère le plus important reste la qualité du producteur.
Soulignons toutefois l'importance de la certification (voir encadré) : seule celle-ci nous assure que la démarche bio est intégralement suivie.
Le « vin bio » n’existe
pas
à proprement parler puisque la qualité « biologique » ne
s’applique qu’à la partie viticulture,
c'est-à-dire jusqu’à la vendange. Donc en théorie,
rien n’empêche un viticulteur bio d’utiliser une multitude
de produits chimiques au chai et d’apposer une étiquette bio
sur ses bouteilles. En pratique, ce n’est pas un gros problème
car les viticulteurs bio mettent un soin particulier à ne pas détruire
tous leurs efforts par une vinification approximative. Toutefois, on peut se poser des questions pour le « bio industriel ». De façon identique, le terme ô combien approximatif de « vin naturel » peut être appliqué à des vins vinifiés sans soufre mais issus de vignes cultivées avec des produits chimiques (si le vin n'est pas certifié, c'est certainement le cas).
Remarque : Cette situation a évoluée. Un label européen
de vin bio a été créé par
la Commission Européenne. Il est entré en vigueur le 1er août 2012.
La mention « vin biologique » est donc apparue sur les étiquettes dès le millésime
2012. Ce label inclut des normes
sur la vinification : limitation du soufre (100 mg/l pour les rouges, 150 pour
les blancs, ce qui est plutôt élevé), interdiction de l'acide sorbique, de la
cryoconcentration, etc. Les levures exogènes et aromatisées, la thermovinification
jusqu'à 70°C et les copeaux (!) restent autorisés.
Pour beaucoup
d'observateurs et de vignerons bios, ce nouveau label européen va permettre
la prolifération de vins bios industriels. Plus que jamais, cela conforte
l'idée que, pour nous amateurs, un bon vin doit se
choisir non pas sur une appellation, un label, une médaille mais sur le nom
du producteur.
Les différents modes de culture de la vigne
Vin naturel
Le terme Vins Naturels est couramment employé depuis quelques années mais il reste imprécis. Pour certains, les vins naturels sont les vins sans soufre ajouté, pour d’autres ce seront simplement les vins bios qui n’utilisent que des levures indigènes. Une chose est sûre : naturel ne veut pas dire bio.
De plus le terme Vin naturel prête très fortement à confusion puisqu’il laisse supposer que le vin peut s’élaborer tout seul (ce n’est pas possible : sans intervention humaine, le jus de raisin devient du vinaigre et non du vin). Vin nature serait plus approprié.
Levures indigènes (définition) :
après la vendange, la fermentation
alcoolique démarre sous l’action des levures. Celles-ci
peuvent être contenues dans la peau du raisin, ce sont les levures
indigènes, ou elles peuvent être ajoutées par le
vinificateur, ce sont des levures sélectionnées (cultivées
en laboratoire). Ces dernières peuvent même être
aromatisées, l’exemple le plus célèbre étant
le fameux arôme de banane du beaujolais.
Labels
Il faut distinguer mentions de certification et marques collectives :
Certification :
Un organisme de certification contrôle les exploitations au nom
des pouvoirs publics pour vérifier le respect des clauses bio
de la réglementation française et européenne. Le
nom de l'organisme certificateur doit obligatoirement figurer sur l'étiquette
avec la mention « issu de l'agriculture biologique ».
ECOCERT
est de loin le plus répandu mais il en existe quelques autres
(Agrocert, l'Aclave, Qualité-France, SGS
ICS).
Labels :
Le Label AB a été mis en place début
2005. Ce label appartient au Ministère de l’Agriculture.
La mention « Vin issu de raisins de l’agriculture biologique
» et le nom de l’organisme vérificateur doivent figurer
avec le label AB. En pratique, ce label ne devrait donc
pas se trouver seul. L’Agence Bio
est chargée de gérer et de communiquer autour de ce label.
Marques collectives :
Un organisme privé rédige un cahier des charges et vérifie
l’application de celui-ci par des visites régulières.
DEMETER :
Viticulture en biodynamie et vinification avec peu de soufre
NATURE et
PROGRES : Viticulture biologique et recommandations pour la
vinification
BIODYVIN :
Viticulture en biodynamie contrôlée Ecocert
TERRA VITIS :
Agriculture raisonnée avec cahier des charges précis.
FNIVAB :
charte viticulture bio
On peut globalement classer les exploitations viticoles en 4 grandes familles :
1. L’agriculture conventionnelle :
Pur produit des Trente Glorieuses (ces années de l’après-guerre
où il s’agissait de produire toujours plus afin de nourrir
le plus grand nombre), l’agriculture conventionnelle privilégie
les rendements. Le sol est considéré comme étant un
simple support pour les plantes. L’agriculture conventionnelle reste
largement la plus répandue.
=> Les vignes sont traitées chimiquement régulièrement. Le sol est désherbé chimiquement.
2. L’agriculture raisonnée :
Apparue au début des années 1990, l’agriculture raisonnée
possède depuis 2002 une reconnaissance officielle (1).
Pour le producteur, il s’agit de s’inscrire dans une optique
de respect de l’environnement. C’est une démarche
volontaire sans aucune obligation ni contrôle. Les institutionnels
(syndicats et associations de producteurs) poussent en ce sens et cherchent
à convaincre le maximum de producteurs à signer une charte
raisonnée.
=> Les vignes sont traitées chimiquement seulement
si le besoin s’en fait sentir et avec le produit le moins nuisible
à l’environnement. Le sol est désherbé le plus
souvent (chimiquement ou mécaniquement) mais peut être ré-enherbé
en milieu de rang. Certains producteurs peuvent être très proches
du bio.
Labels rencontrés : Terra
Vitis
3. L’agriculture biologique :
L’agrobiologie repose sur le rejet de tous produits chimiques, pesticides,
fongicides ou fertilisants (2). Pour pouvoir être
certifiés, les domaines doivent se soumettre à des contrôles
réguliers par un organisme accrédité. Il faut 3 ans
pour convertir un domaine à l’agrobiologie, la première
récolte en bio certifié étant celle de la 4e année
après l’arrêt d’utilisation des produits chimiques.
En 2013, 9% des surfaces viticoles françaises étaient
cultivées en bio, cette surface a plus que quadruplé en dix ans. Cultiver sa vigne en bio
requiert plus de main d’œuvre.
=> Les vignes sont traitées avec des produits
d’origine naturelle pour aider la vigne à se défendre
par elle-même, les apports sont des fumures organiques. La lutte contre
la maladie reste la plus délicate (c’est d'ailleurs la raison
pour laquelle il est plus facile d’être en bio dans le Roussillon
qu’en Vallée de la Loire ou en Champagne) et les fongicides
autorisés sont à base de soufre ou de cuivre (la fameuse bouillie
bordelaise).
Certification la plus répandue : Ecocert
4. La biodynamie :
La biodynamie est une branche de l’agriculture biologique s’appuyant
sur les travaux de Rudolph Steiner, fondateur dans les années 1920
de l’anthroposophie (3) : la terre est vue comme
un ensemble vivant et le viticulteur s’efforce de favoriser la vie
des sols qui en retour lui donneront de beaux raisins. Au lieu
de traiter la maladie, on s'efforce de corriger le déséquilibre
qui crée cette maladie. La biodynamie appliquée
à la vigne a été vulgarisée en France par Nicolas
Joly qui a converti son domaine La Coulée de Serrant au milieu des
années 80. Le nombre de domaines en biodynamie reste
faible (< 10% des surfaces en bio) ; en revanche ce sont très
souvent des domaines marquants en terme de qualité des vins.
=> Des préparations naturelles (les préparâts)
sont pulvérisées à dose homéopathique pour renforcer
les vignes ou vivifier le sol. Les vignes sont labourées. Comme en
bio classique, la bouillie bordelaise peut être utilisée contre
le mildiou.
Labels rencontrés : Demeter
Vin sans soufre ajouté
Le soufre est utilisé lors de la vinification pour ses propriétés antiseptiques et antioxydantes. Il permet de stabiliser les vins. A haute dose, le soufre peut avoir des effets sur l’organisme et tend à durcir le vin. Pour ces raisons, les meilleurs vignerons actuels n’utilisent que la quantité de soufre minimale pour assurer une certaine stabilité au vin sans en altérer les qualités. Dans les meilleurs vins, les doses de soufre sont donc généralement suffisamment réduites pour ne plus poser de problème.
Pour aller plus loin, quelques vignerons n’utilisent plus du tout de soufre lors de la vinification. Ces vins sont très peu nombreux mais font beaucoup parler d’eux. Ils ont été popularisés par quelques bars à vins parisiens. Les vins sans soufre ajouté requièrent des conditions absolument irréprochables de vinification (un véritable exercice de funambule : un seul faux pas est fatal) et ensuite des conditions optimales de stockage et de conservation, ne dépassant en aucun cas 14°C, conditions que la plupart des cavistes et des particuliers ne peuvent satisfaire.
Si quelques vins sans soufre ajouté sont délicieux, avec une très belle pureté expression, d’autres peuvent présenter des déviations importantes ou des oxydations prématurées. Ce sont surtout les blancs qui causeront bien du souci à l’amateur car les tanins du vin rouge font office d’antioxydant et protègent les vins. Les vins blancs sans soufre ajouté peuvent virer au brun, soit dans la bouteille, soit dans le verre après quelques minutes, et développer des arômes de noix, dans le meilleur des cas, mais aussi des arômes fermentaires, de pomme blette, voire même de basse-cour. C’est surtout sur ce type de vin que s’est développée une petite polémique, les défenseurs des ces vins sans soufre mettant en avant le caractère vivant du vin et avançant la nécessité de redéfinir nos codes de dégustation. A chacun de se faire son opinion...
Note : Le vin pouvant contenir du soufre provenant des raisins, le terme « vin sans soufre » est impropre… sauf si on le considère comme une simplification de « vin sans soufre ajouté ».
Définitions :
Au final, le soufre existe dans le vin sous deux formes :
1. le soufre combiné : c’est le soufre, naturel ou ajouté,
qui s’est associé à d’autres éléments
constitutifs du vin, tels les sucres, l’alcool ou les levures.
2. le soufre libre : c’est le soufre qui reste disponible pour s’associer.
Il est présent sous forme de gaz dissous. C’est lui qui peut
provoquer à haute dose des maux de tête ou d’estomac.
Le soufre total est la somme du soufre libre et du soufre combiné.
La proportion normale est d’1/3 de libre et 2/3 de combiné.
Ordre d’idées des quantités de
soufre total pour un vin blanc sec :
Norme européenne : < 210 mg/L
Cahier des charges Demeter : < 90 mg/L
La mention « contient des sulfites » doit figurer sur l’étiquette
si le soufre total dépasse 10 mg/L. Cette limite est très
basse pour des raisons médicales ; elle n’est donc pas vraiment
pertinente dans le cadre de la dégustation, elle ne sera utile
qu’aux personnes allergiques au soufre.
Pour en savoir plus, voir les livres sur les vins bio...
Notes :
(1) Définition officielle de l’Agriculture
Raisonnée :
« L'agriculture raisonnée correspond à des démarches
globales de gestion d'exploitation qui visent, au-delà du respect
de la réglementation, à renforcer les impacts positifs des
pratiques agricoles sur l'environnement et à en réduire les
effets négatifs, sans remettre en cause la rentabilité économique
des exploitations. » (Ministère
de l’Agriculture et de la pêche)
Voir aussi le décret
du 25 avril 2002.
(2) Une seule exception en viticulture : certains produits de synthèse sont autorisés dans le cadre de la lutte dans certains régions contre la cicadelle, insecte à l’origine de la flavescence dorée.
(3) L’anthroposophie est régulièrement
raillée par les esprits les plus scientifiques. Il faut reconnaître
que certains de ses aspects sont anticartésiens au possible (certains diront "folkloriques") et scientifiquement
invérifiés ou même invérifiables. D’autres
concepts flirtent d’assez près avec l’astrologie. On
peut toutefois avoir une attitude plus pragmatique et se contenter d’observer
les résultats : c’est d’ailleurs certainement l’attitude
de bon nombre de producteurs. Tous n’adhèrent pas à
100% à la philosophie développée par Steiner ; en revanche,
ils en observent les effets bénéfiques. Il est indéniable que les pratiques biodynamiques poussent le producteur à prêter plus d'attention à la vigne et aux sols.
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Pour bien apprécier
le vin, faites attention à ce que vous dégustez et ne
buvez pas comme un canard... L'abus d'alcool est dangereux. |